Tu m'appelles Ch�vre, et cherches mes copines de la gente caprine en nommant l'alpine - chamois�e - la saanen, la poitevine, la rove. Mes petites sœurs du Sundgau en Alsace, des foss�s en Bretagne, celles qui viennent du Cachemire ou d'Angora ont autant tes faveurs que les naines, tu sais appr�cier nos diff�rences. Malgr� nos vari�t�s, tu nous consid�res comme races domestiques, et quel que soit ton idiome tu trouves le mot qui nous fait dresser l'oreille : keçi, แพะ, gaaza, koati, geit, زب, capra, بز. S'ils ne suffisent pas, tu aimes tour � tour crier ou murmurer : biquette, chevrette, bichette et m�me bique. Tu te r�jouis malgr� son odeur d'apercevoir mon compagnon le bouc outre son chant qui te rappelle la trag�die, tu t'interroges sur sa fertilit�. Parfois � l'ombre d'un ch�ne p�doncul� allong� sur un tapis de p�querettes, tu aimes surprendre mon cousin le bouquetin. Mais plus s�rement, tu me trouves entour�e de mes cabris (ils ne sont pas sept rassure-toi), mes petits chevreaux que je prot�ge du loup - qui ferait mieux, soit-dit en passant, de se pr�occuper de sa louve qui allaite les fondateurs d'une cit� antique. Mais � l'instar de La Ch�vre de Monsieur Seguin, je n'en ai pas peur.
Mon parcours est pour toi un v�ritable labyrinthe qui va de la Touraine au Qu�bec. Ton p�riple que tu n'imaginais pas si long t'emm�ne en Corse, en Espagne � travers la Gironde ou la Hollande puis tu reviens ici apr�s un d�tour en Vend�e, tu t'arr�tes longuement au Prieur� de St C�me si cher � Ronsard et sa Mignonne, tu sais : � La Riche pr�s de Tours.
Tu aimes t'entourer de femmes et d'hommes, d'illustres anciens ou de contemporains qui t'aident ainsi que les animaux � habiter le monde. Je vois l� Jean de la Fontaine et ses Deux Ch�vres, notre fougueux Jean Meslier, Guy de Maupassant au bras de Rabelais lorgnant sur sa Dive bouteille. Umberto Saba aime la compagnie d'Alfred de Vigny toujours en qu�te de sa Maison du berger. Mais que fait donc De Gaulle au bras de Marie-Antoinette suivie par sa vache ? Craint-il les traits acerbes d'un Jules Renard ou mieux d'un Paul-Louis Courier ? Si Jean Domec appr�cie converser avec Claire Delfosse, Larousse avec son gros dictionnaire semble importuner Victor Hugo languissant de l'absence d'Esm�ralda. Plus loin je vois des Phrygiens entourer Daphnis et Chlo�, leur conter la L�gende de Syrinx de Longus et s'�bahir de la r�putation du dieu Pan.
� l'or�e d'un bois, tu te r�jouis lorsque s'�gaille la volaille : les poules, les coqs - dont le chant te r�veille si souvent - et leurs poussins. D�s que tu peux les nommer en fonction de leur parure tu le fais avec fiert�, tu t'�cries : houdan ! orpington ! g�line ! marans ! brahma ! Ravi de reconna�tre leurs origines. Pr�s de l�, dans cette prairie tu contemples mes amis herbivores : ce cheval qui galope derri�re un �ne, ces moutons et brebis qui broutent sans rel�che, cette vache ruminant quelques griefs � l'encontre d'un taureau... Tu souhaiterais de ce troupeau, prendre des photos, le repr�senter par des dessins ; accompagner ces illustrations de quelques symboles ou de personnages de la mythologie : la ch�vre Amalth�e nourrice de Zeus (Jupiter) et sa corne d'abondance ou bien un autre animal sacr�... Mais que vient donc faire Thor dans tes r�veries ?
Il me vient � r�ver aussi... Pourtant je te connais, je sais que l'amour du pain, le vin ne te suffisent pas. Tu lorgnes sur mes mamelles car tu savoures le go�t, les vertus et les bienfaits du lait de ch�vre. Tu penses � allaiter ton enfant, ton b�b�, cependant, plus s�rement, tu apprends la confection du caill�, du k�fir, de la caillebotte ou du yaourt en s�parant le petit lait. Tu entreprends la fabrication artisanale de fromages de ch�vre. Tu as soin de me traire, puis de travailler mon lait pour donner naissance � un Sainte-Maure ou un Crottin de Chavignol. Tu choisis ta pr�sure et veilles � ce qu'elle soit v�g�tale (la chardonnette - cardon ou artichaut sauvage - a bonne r�putation, le figuier aussi, mais m�fie-toi des pr�tendues propri�t�s coagulantes du caille-lait autrement appel� gaillet jaune ou galium verum). Puis une fois ce petit traversin form� pense � la qualit� de l'affinage... Un bon garde-manger, bien a�r�, suffit. Ne t'inqui�te pas : rien ne remplacera ton exp�rience, tes propres recettes.
Ah ! Mais, je vois que maintenant tu veux en faire une activit� agricole. Tu penses � monter ton exploitation. Tu h�sites entre un cahier des charges bio, une production artisanale et une production industrielle avec force cl�tures, stabulations et �levage hors-sol, la lecture du magazine La Ch�vre t'aidera-t-elle � trancher ce dilemme ? Tu t'inqui�tes de ma physiologie, de mes mamelles, de mes pis mais aussi de mon appareil digestif, de mes m�choires, de mes sabots et de ma gestation. Tu veux �viter de faire appel � un v�t�rinaire pour les maladies qui pourraient advenir : mammites, CAEV. Tu es soucieux de ma long�vit�, de ma dur�e de vie. Tu t'int�resses aussi s�rieusement aux poules pondeuses � leurs œufs et aux poulets de chair. Tu ne sais choisir entre leur �levage en plein-air ou en batterie...
Bref ce qui t'importe est la production de lait, fromage, de beurre, d'œufs, de viande, nous ne sommes pas dans une soci�t� sans travail. Pouvoir trouver, acheter, vendre et parfois donner. Tout en veillant � l'environnement et en fustigeant la mal-bouffe.
Parfois - et dois-je le d�voiler ici ? - tu es bien fantasque, est-ce la r�putation sulfureuse du bouc qui t'inspire � ce point ? ou plut�t mes cabrioles ?
Oh ! Pas de chichi entre nous... Je ne suis pas ici pour faire une caricature et rassures-toi je ne suis pas en qu�te de la l�gion d'honneur et ne fais donc point de toi un bouc-�missaire.
Alors ainsi tu t'int�resses � nos accouplements, ceux que j'ai avec le bouc, ceux du cheval en rut et de sa jument, ceux des bovins, des ovins, des porcins et m�me des volailles ; m�les et femelles. Tu sais, autant te le dire, ils ne diff�rent pas tellement des tiens. Pourquoi syst�matiquement en vouloir une photo ? Puis, tu t'�gares un peu, pourquoi accoles-tu le mot baiser (sauter en quelque sorte... le fist n'�tant qu'une forme ancienne de la conjugaison du verbe faire) � des couples illusoires : la femme et le cheval, l'homme et la ch�vre et ceux-l� improbablement avec des �nes et des chiens ? Qui a dit : elles ont le vice dans la peau ?
Es-tu en manque de caresses ?
Reviens parcourir cette sente que j'ai, de mes dents, d�broussaill�e, amuse-toi de questions insolites quant � l'existence de la ch�vre Dolly (sic) ou : � quelle fr�quence un cheval devrait-il �tre tondu ? Accompagne tes pas lents - qui va piano va sano - de litt�rature, de chansons nomm�es Le P�tre des montagnes, Ah ! Tu sortiras biquette, biquette ou ma pr�f�r�e : Il �tait une ch�vre de fort temp�rament et je serais alors de nouveau ta ch�vre qui b�ille de contentement.
La ch�vre qui b�ille, 2006
Ce texte est issu de l'analyse de 15 494 requ�tes ayant abouti � ce site au premier semestre 2006. Le d�pouillement de ces crit�res de recherche fut fastidieux mais provoqua parfois surprise quelquefois sourire et rarement haussement des sourcils � celui qui s'y attela. Il n'est pas surprenant toutefois de voir appara�tre des mots de la famille ch�vre de son lait et de son fromage dans 35 % des requ�tes. Pour le reste... � vous de juger. Les mots ou expressions mis en gras sont d'une grande fr�quence, ceux en italiques, quoique plus rares, sont significatifs.
Pour chevroter dans la sente, il suffit de proposer un texte en contactant directement christian(�)domec.net.