Appel pour la libéralisation de la chèvre

« Jean Domec est à la chèvre ce que Brigitte Bardot fut aux phoques, si vous me passez l'expression. C'est un militant éperdu de la cause caprine. Depuis des années, il m'inonde de lettres, d'articles, d'extraits de livres qui vont tous dans le même sens : dénoncer l'exploitation de la chèvre comme une simple machine à faire du lait et revendiquer pour elle le droit à la liberté. Il est criminel, selon lui, de condamner un animal aussi primesautier, aussi fantasque, à vivre enfermé dans un atelier de cent, cent cinquante ou deux cents bêtes. Dans la zone d'appelation sainte-maure, m'a-t-il appris, on est allé jusqu'à envisager de créer des « cours d'exercice », près des étables pour que les pauvres bêtes puissent se dégourdir les jambes de temps en temps. Comme dans les prisons ! Il a d'ailleurs lancé en 1997 un « appel pour la libération de la chèvre ».

« La curiosité m'a conduit, un jour, jusqu'à sa propriété de Saint-Avertin (Indre-et-Loire), où il vit depuis sa retraite avec deux chèvres, qui sont avant tout pour lui des animaux de compagnie. J'ai rencontré un homme plein de sensibilité et d'une grande culture, qui m'a parlé avec beaucoup de tendresse de ses compagnes favorites. Savez-vous que Jupiter eut pour nourrice une chèvre ? Que le lait de la chèvre est le plus proche du lait maternel ? Que depuis l'antiquité, la chèvre a nourri l'humanité et sauvé de la famine les populations les plus déshéritées ? Je pourrais remplir des pages avec tout ce qu'il m'a appris, Monsieur Domec. »

Pierre Bonte, Le bonheur était dans le pré, Albin Michel, 2004