Présure végétale : le retour ?

« Pour cailler le lait, on utilise de la présure. Depuis une bonne centaine d'années, la présure d'origine animale s'est généralisée pour des raisons pratiques. Conditionnée sous forme liquide, la caillette de veau est à l'origine du miracle fromager qui voit le lait devenir Maroilles, Cantal, Camembert, Crottin ou Ste Maure de Touraine.

Avec l'essor de la fromagerie industrielle, la consommation de présure est allée croissante alors que l'abattage des veaux était en légère régression. Des recherches sont menées pour trouver des produits de remplacement issus de la pepsine du porc, du bœuf, du mouton, de la chèvre voire de la volaille. Dans ce cadre, des recherches sont aussi entreprises pour sélectionner des enzymes végétales ou microbiennes susceptibles de coaguler le lait.

Pour l'érudit qu'est Jean Domec, retraité à St Avertin, il n'y a aucune nouveauté là-dedans. En effet, jusqu'au XIXe siècle, c'est la présure végétale qui était la règle.

La présure végétale est extraite du gaillet jaune, du figuier ou du petit artichaut sauvage, la chardonnette. Amoureux de la nature, historien de la gente caprine, Jean Domec a retrouvé la trace de la présure végétale dans de nombreux ouvrages ménagers. Chevrier à ses heures, il a testé un Ste Maure de sa fabrication, né du mariage entre le lait de ses biques et la présure de chardonnette. « Ça marche très bien. Le fromage frais est plutôt moins acide qu'avec la présure animale. Je jette une pincée de chardonnette achetée chez l'herboriste de la rue de la Scellerie à Tours dans un litre de lait. Le caillage est très rapide.

Jusqu'au XIXe siècle, la présure végétale était couramment vendue dans l'ouest de la France dans toutes les pharmacies. Beaucoup de végétaux contiennent un suc présurant. Il abonde surtout dans les organes verts (jeunes tiges, bourgeons, feuilles) et dans la fleur. Ces plantes s'emploient très bien fraîches. Elles agissent surtout aux températures élevées de 60° à 90°. Beaucoup d'entre elles, dont le figuier commun, coagulent plus facilement le lait bouilli que le lait cru.

La chardonnette s'utilise dans le lait cru, on la presse à la main dans une mousseline plongée dans le lait chauffant. Pour le figuier, il suffit après ébullition de brasser le lait en cours de refroidissement avec une baguette de bois fendue en croix. Le lait prend aussitôt une masse homogène. On peut remplacer les branches fraîches par une solution présurante obtenue avec de jeunes rameaux macérés dans de l'eau salée. »

« La mise en solution liquide de la présure végétale, c'est la condition première à remplir pour que le produit se développe » conclut Jean Domec.

Pour lui en ces temps troublés où le consommateur regarde son alimentation d'un air suspicieux, notamment en ce qui concerne les abats (comme la caillette de veau), la présure végétale aurait un marché juteux en commençant par les végétariens et « ceux qui mangent bio ». Reste à trouver l'étudiant « thèsard » qui suffisamment convaincu par le sujet voudrait travailler dessus. Avis aux amateurs. »

?, 1997