« « Les enfans d'Iſraël ne ſacrifieront plus d'hoſties aux velus avec leſquels ils ont forniqué. »
C'eſt ici un des paſſages de la ſainte écriture des plus délicats à commenter. On entend par les velus, les boucs auxquels on ſacrifiait dans le Nome de Mendès en Egypte. On ne doute pas que pluſieurs Egyptiennes n'aient adoré le bouc de Mendès, & n'aient pouſſé leur infamie ſuperſtitieuſe juſqu'à ſoumettre leurs corps à des boucs, tandis que les hommes commettaient le péché d'impureté avec les chevres. Cette dépravation a été fort commune dans les pays chauds, où les troupeaux de chevres ſont gardés par de jeunes gens ou par de jeunes filles. Toute l'antiquité a cru que ces conjonctions abominables produiſirent les Satyres, les Egypans, les Faunes. St Jerôme n'en doute pas ; & on ne tarit point ſur des hiſtoires de Satyres. Il n'eſt pas impoſſible qu'un homme avec une chevre, & une femme avec un bouc, aient produit des monſtres, qui n'auront point eu de poſtérité. On peut révoquer en doute l'hiſtoire du Minotaure de Paſiphaé, & toutes les fables ſemblables : mais on ne peut douter de la copulation de quelques femmes juives avec des bêtes. Le Lévitique en parle plus d'une fois, & défend ce crime sous peine de mort.
On a cru que l'antique adoration du bouc de Mendès fut la premiere origine de ce que nous appellons encore chez nous le ſabat des ſorciers. Les malheureux infatués de cette horreur ſe mettaient à genoux vis-à-vis un bouc dans leurs aſſemblées, & le baiſaient au derriere ; & la nouvelle initiée, qui ſe donnait au diable, ſe ſoumettait à la laſciveté de ce puant animal, qui rarement daignait condeſcendre aux deſirs de la femme. Ces infamies n'ont jamais été commiſes que par les perſonnes les plus groſſieres de la lie du peuple ; & dans tous les procès de ſortilege on ne voit que bien rarement le nom d'un homme un peu qualifié.
Le lévitique dit expreſſément, que la beſtialité était fort commune dans le pays de Canaan.
Il n'y a guere de tribunaux en Europe, qui n'aient condamné au feu des miſérables convaincus ou accuſés de cette turpitude : elle exiſte ; mais elle eſt très rare en Europe. On a beaucoup agité la queſtion, ſi la peine du feu n'eſt pas aujourd'hui trop barbare pour de jeunes payſans, qui ſeuls ſont coupables de cette infamie, & qui ne different guere des animaux avec leſquels ils s'accouplent. »
La Bible enfin expliquée par plusieurs aumôniers de S.M.L.R.D.P., Lévitique, Voltaire, 1776