Le triomphe des violences, perpétrées par le profit et la technique, fait que nous employons des termes réservés aux choses pour parler des hommes et des créatures vivantes. Ne dit-on pas couramment ramassage scolaire, recyclage, musclage, dégraissage de la personne dans l'entreprise ; être performant, courir, s'investir, gérer sa vie, etc. ?
Car l'homme de « rentabilité », comme fin en soi, « pour être branché » doit considérer son prochain comme une ressource, l'animal comme un produit, l'arbre comme une matière première.
L'être qui se rebelle contre cette conception matérialiste de l'existence se trouve vite « débranché », c'est-à-dire marginalisé, sinon exclu. N'est-ce pas s'opposer à la perversité de cette idéologie qui conduit notre planète à la détresse et à la mort qu'est née la pensée écologique ?
L'écologie, du grec « oïkos », maison, ne signifie-t-elle pas notre art d'habiter le monde, notre manière d'être avec les hommes et tout ce qui vit ? Elle ne se réduit donc pas à une science dont se réclament des experts qui veulent perpétuer le système. Ce soulèvement de la vie nous rappelle, en effet, que le langage est la demeure de l'homme et que c'est aux penseurs et aux poètes, bergers de la biosphère, de veiller à sa protection. Cette philosophie ne nous enseigne-t-elle pas que c'est l'indicible, le savoir et le savoir-faire qui, depuis la nuit des temps, mettent l'homme en accord avec la ronde et assurent les assises de la Terre ? Leur geste ne psalmodie-t-il pas, inlassablement, qu'il ne peut y avoir de vie sans le respect de la vie, de toute vie ?
Jean Domec, 1992