Dans un livre captivant intitulé Le bonheur était dans le pré (Albin Michel, 2004), Pierre Bonte cite cette phrase prêtée au général de Gaulle : « Les agriculteurs sont comme les anciens combattants de la guerre 1914/1918, il y en a de moins en moins chaque année. Bientôt, il y en aura plus et le problème sera réglé. »
Cette prédiction du Général est confirmée par Bertrand Vissac, dans Les Vaches de la République (INRA-Éditions, 2002).
En effet, conseillé par scientistes et technocrates, le président fondateur de la Ve République prétend réveiller son « cher et vieux pays » afin de le faire entrer dans la modernité, en réalisant le Concorde - « la fusée et la maîtrise de la production animale ! »
Les zootechnocrates, inspirateurs de l'exploitation industrielle des animaux qui nous prodiguent, lait, viandes, œufs, considèrent en effet les bêtes comme des machines que la Science améliorera sans cesse, et non plus comme des êtres vivants sensibles et sentimentaux comme le faisait notre civilisation paysanne.
C'est ainsi qu'est promulguée, en 1966, la loi sur l'élevage qui doit permettre à l'animal de produire de plus en plus de lait, de viandes, d'œufs, toujours moins chers avec toujours moins d'éleveurs paysans.
Forcés par ce système dictatorial, les éleveurs se transforment en producteurs de produits animaux, intégrés dans des filières spécialisées et intensifiées, aux ordres d'ingénieurs et de techniciens, commandés par les zootechnocrates.
Résultat, et à titre d'exemple : l'exploitation intensive des vaches laitières : en 1970, la France compte 810 000 éleveurs se répartissant 7 millions de vaches ; or, en 2004, notre pays ne totalise plus que 110 000 producteurs pour 4 millions de vaches ! Laitières !
La forcerie industrielle des ruminants fait, cependant, que la production laitière se révèle supérieure à celle de 1970, mais les malheureux bovins sont frappés de « maladies de la civilisation », telles que mammites, boiteries, folie...
Étant donné les malheurs qui s'abattent sur notre pays en productions animales, entraînant des abattages massifs d'animaux, je suis persuadé qu'aujourd'hui l'homme du 18 Juin 1940 reconnaîtrait son erreur. Aussi, chasserait-il de son entourage ses conseillers apprentis sorciers. Le Général ne demanderait-il pas à son « cher et vieux pays » un effort exceptionnel de plusieurs décennies afin de restaurer notre civilisation paysanne, vieille de 10 000 ans d'histoire (L'élevage en France, 10 000 ans d'histoire, Educagri, 1999), respectueuse de la santé de l'homme, de l'animal, de la nature.
Jean Domec, 2004