La Chèvre d'après Littré

Sente de la chèvre qui bâille : le livre

Lire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle

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Chèvre (chè-vr'), s. f.

La femelle du bouc, animal agile, aimant à grimper, à sauter. Le lait de la chèvre. Sauter comme une chèvre. « Un ver, une fourmi, Un insecte rampant qui ne vit qu'à demi, Un taureau qui rumine, une chèvre qui broute, Ont l'esprit mieux tourné que n'a l'homme ? oui sans doute », Boil. Sat. VIII « Dès que les chèvres ont brouté, Certain esprit de liberté Leur fait chercher fortune », La Font. Fabl. XII, 4.

• Ménager ou sauver la chèvre et le chou, c'est-à-dire se comporter entre deux personnes qui sont divisées d'intérêts ou de passions, de manière à n'indisposer aucune d'elles.

• Vin qui fait danser les chèvres, vin âpre et acerbe.

Familièrement. Prendre la chèvre, se choquer, s'irriter sans raison. « Ils sont prompts à prendre la chèvre », Régnier, Sat. XIII. « Et n'est Job, de dépit, qui n'en eût pris la chèvre », id. Sat. X. « D'un mari sur ce point j'approuve le souci : Mais c'est prendre la chèvre un peu bien vite aussi », Mol. Sgan. 12. « Notre accueil t'a fait prendre la chèvre », id. Bourg. III, 10. « On vient civilement pour s'éclairer d'un doute, Et Monsieur prend la chèvre, il met tout en déroute », Regnard, le Joueur, III, 10. « Elle est prompte à prendre la chèvre », Dancourt, le Chevalier à la mode, III, 1. Prendre la chèvre, c'est se faire chèvre, avoir un caprice ; l'italien dit d'une façon analogue pigliar la monna, prendre la guenon, pour s'enivrer.

• Barbe de chèvre, barbe qu'on laisse venir au menton et qui a de la ressemblance avec celle d'une chèvre.

• Barbe de chèvre, espèce de spirée, plante.

L'étoile principale ou Alpha du Cocher est nommée vulgairement la Chèvre. J'ai vu la Chèvre. La Chèvre était cachée.

• La chèvre Amalthée, constellation de l'hémisphère septentrional.

Pied-de-chèvre, levier de fer dont une extrémité est taillée en pied de chèvre.

Machine qui sert à élever des fardeaux considérables et qui est composée de trois longues pièces de bois réunies en leur sommet et formant sur le sol un triangle plus ou moins large qui est la base de la machine. Au haut est accrochée une poulie sur laquelle passe une corde qui vient s'enrouler sur un cabestan fixé au bas de la chèvre. C'est cette corde qui élève les fardeaux.

Dans les moulins à soie, la chèvre est un instrument qui sert à tenir la fusée.

Table à trois pieds pour faire des fromages.

• Support sur lequel le charron pose les pièces de bois qu'il veut scier.

• Terme de pêche. Pieux sur lequel on pose les rêts.

Arbalète à pied de chèvre, voy. arbalète.

Proverbes. Où la chèvre est attachée, il faut qu'elle broute, c'est-à-dire il faut s'accommoder de ce qui nous lie, de ce qui ne peut être changé dans notre situation.

• Cela est lié comme crottes de chèvre, se dit d'un discours, d'une conversation sans liaison et sans suite.

• La chèvre a pris le loup, se dit de ceux qui, pensant prendre ou tromper des gens plus faibles ou plus simples qu'eux, demeurent pris eux-mêmes.

• Il serait amoureux d'une chèvre coiffée, c'est-à-dire c'est un homme qui s'éprend de toutes les femmes, quelque laides qu'elles soient.

H. XIIe s. « E aspre haire aveit de piel de chievre gros », Th. le Mart. 102.

• XIIIe s. « Dont veissiés ribaux et garchons et à piet et à cheval espandre parmi Beauvoisis, et chevaux et kievres et paysans amener en l'ost, dehors Gisors où on estoit logiet », Chr. de Rains, 61. « Se je baille mes chievres à loage en garde, et larrons les emblent sans la colpe à celi qui les garde », Liv. de just. 171.

• XVe s. « Tant grate chevre que mal gist », Vill. Ball.

• XVIe s. « Ny dessous moy, pauvres chevres chetives, Plus ne paistrez le trefle fleurissant », Marot, IV, 7. « L'aigle est représenté emportant à la chevre morte [sur son dos] vers le ciel ces ames deïfiées », Mont. II, 269. « J'en ay veu prendre la chevre, de ce qu'on leur trouvoit le visage frez », id. IV, 112. « Un moins rusé en eust pris la chevre ; mais l'admiral... » d'Aub. Hist. I, 88. « [Les François, etc.] ont les yeux de chevre, ou tannés », Paré, Introd. 7. « Seulement quelque peu de foin donne-on aux chevres preignes les plus avancées », O. de Serres, 327. « A la chandelle la chevre semble demoiselle », Le Roux de Lincy, t. I, p. 164. « C'est un donneur de chievre à moytié [c'est un donneur de bourdes ; voy. canard]  , id. ib. « Quand la chevre saute au chou, le chevreau y saute itou », id. ib.

E. Berry, chieuve, chieube, chièvre, chieuvre ; picard, cape, cabe, cabre, kève, kèvre ; provenç. et espagn. cabra ; ital. capra ; du latin capra, chèvre, caper, bouc ; grec, χάπρος ; ancien scandinave, hafra.

Dictionnaire de la langue française, Émile Littré, 1872-1877




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