Le Mythe de la Chèvre d'or (ou Cabre d'or)

Sente de la chèvre qui bâille : le livre

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« La chèvre est un animal mythique par excellence.

Sous le nom de Prakriti, elle est la mère du monde en Inde. La chèvre est liée à la foudre en Chine et au Tibet et représente un instrument de l'activité céleste au bénéfice de la terre.

Symbolisant l'éclair chez les grecs, son étoile annonçait l'orage et la pluie. La chèvre Amalthée a nourri Zeus enfant, et fut transformée en nymphe puis en déesse nourricière. C'est l'initiatrice physique et mystique. son aspect « capricieux » caractérise les dons imprévisibles de la divinité.

À Constantine, comme en de nombreux autres lieux, on recherchait la Chèvre d'or.

Dans le Var, un oppidum s'appelle même Cabredor (en Provence, le nom de la chèvre se prononce cabre).

La légende de la Chèvre d'or est présente dans bien d'autres lieux aussi bien en Provence, comme l'a constaté Paul Arène, que dans des contrées plus éloignées.

T ous les folkloristes, Mistral le premier, connaissaient « La Cabro d'or ; trésor ou talisman que le peuple croit avoir été enfoui par les Sarrasins sous l'un des antiques monuments de la Provence. (...) À Laudun (Gard) on disait que le 24 juin, sur la montagne de Saint-Jean s'entrouvrait à minuit un antre profond d'où s'élançait la Chèvre d'or.  » (Trésor du Félibrige).

La légende de la Cabre d'or attribue le nom du village d'Orsan (Gard) aux traces laissées par la chèvre lors de la traversée du passage du loup ; des lambeaux de toison d'or et un peu de son sang furent, dit-on, retrouvés sur les rochers.

Dans la région de Bouquet (Gard) on raconte qu'une Chèvre en or fin est restée enfouie dans les oubliettes du château de Castellas. Sur les armoiries des Barjac, anciens seigneurs de ce lieu, figure une chèvre d'or.

Egalement dans le Gard, la ville d'Aramon, d'origine celtique, aurait vu le jour sur les berges du Rhône grâce à l'édification d'un sanctuaire dédié au dieu Jupiter-Ammon. La tradition ajoute que ce culte avait été introduit à Aramon par des étrangers navigateurs et commerçants, que la statue que l'on honorait par des sacrifices humains était en or massif et portait des cornes. Un jour ces étrangers, menacés par de puissants ennemis, quittèrent brusquement le pays et, ne pouvant emporter leur dieu, ils le cachèrent dans une anfractuosité du Puech, l'énorme masse rocheuse dominant la ville. Un dicton parle des miséreux : « En voilà qui auraient besoin de trouver la Chèvre d'or. »

À Barre des Cévennes, une « chèvre en or » serait cachée dans un souterrain reliant le Castelas de Barre au Château de Terre-Rouge situé sur la Can de l'Hospitalet, à proximité de la grande route Nîmes-Saint-Flour. L'entrée de ce souterrain se trouverait au fond d'une grotte.

Aux Baux de Provence la Cabre d'or erre à la pleine lune dans les palais abandonnés et le long des abîmes.

« Selon la tradition un roi Maure venu d'Espagne avait tenté en vain de s'emparer des Baux. Abd al-Rhaman emportait dans sa fuite un butin qu'il voulut mettre à l'abri provisoirement. Il pénétra dans le Val d'Enfer et aperçut l'entrée d'une grotte, le « Trou des fées ». Riant des mises en garde de son serviteur, il choisit dans un troupeau qui paissait une petite chèvre blanche pour lui montrer le chemin. Il fut assailli par une multitude de chauves-souris très agressives, qui l'obligèrent à pénétrer dans un antre éclairé de torches où vivait la sorcière Taven, « la masco ». Celle-ci l'oblige à poursuivre son chemin en pénétrant dans le voile brumeux qui l'enveloppait. Le Maure y aperçut un trou devant lequel sept chats montaient la garde. Il y entra et découvrit une nouvelle galerie souterraine où la masco préparait ses filtres et potions. La sorcière lui tendait trois fioles contenant chacune un liquide. L'une était en forme de fleur, l'autre en forme de boule blanche, la troisième en forme de croc, et lui conseilla de se fier à l'instinct de sa chèvre. La petite chèvre s'engagea dans le passage de gauche et Abd al-Rhaman dut lui emboiter le pas sans que la masco ait eu le temps de l'avertir des risques qu'il y encourait. Il marcha dans un long corridor puis pénétra dans une chambre où poussait une gigantesque mandragore à la silhouette et au visage humains. Elle emprisonna l'intrus et tenta de l'étouffer entre ses dix bras mouvants. Le Maure jeta quelques gouttes de la fiole en forme de fleur sur son adversaire qui, aussitôt, relâcha son étreinte et périclita. Après avoir descendu les marches d'un escalier vertigineux tous deux arrivèrent dans une salle peuplée de fantômes. Abd al-Rhaman choisit alors de déboucher la fiole en forme de boule blanche et en aspergea les revenants qui disparurent immédiatement. Les deux protagonistes continuèrent d'avancer à tatons et finirent par apercevoir une lueur rougeâtre. « Le soleil » s'écria le Maure, qui se précipita en avant mais la chèvre refusa de l'accompagner. Il la força à le suivre et ayant remarqué une excavation à l'arrière d'un rocher, il estima avoir trouvé la cachette qu'il cherchait. Il y entassa les pièces d'or, les bijoux d'argent, les pierreries et les autres richesses. Quant il eut fini, il se retourna et se trouva nez à nez avec une imposante bête noire aux canines luisantes comme des lames d'acier, aux yeux incandescents comme un brasier. Comprenant qu'il s'était trompé et qu'il avait pris ce regard pour la lumière du soleil couchant, le roi Maure chercha la fiole en forme de croc. Mais il l'avait fait tomber en ouvrant son manteau pour en sortir les sacs dans lesquels il transportait son trésor. N'écoutant que son courage il engagea avec le monstre un combat mortel. Quand la lune brilla de tout son éclat, le compagnon d'Abd al-Rhaman vit surgir de la grotte la petite chèvre couverte de poudre d'or, le trésor ayant été réduit en cet état par la violence de l'affrontement. Après une longue et vaine attente, il s'enfuit au galop et raconta son histoire à un vieux berger. Puis il rejoignit la côte où il s'embarqua pour l'Espagne. Selon la tradition des Baux, la Chèvre d'or continua à errer autour du Trou des fées et dans le Val d'Enfer. Des pâtres l'aperçurent parfois, mais ceux qui la suivirent ne revinrent jamais de leur voyage dans les profondeurs de la grotte. »

La légende dit qu'on trouve de fins fils d'or dans la colline accrochés aux herbes et certains soirs, la Cabro d'or sauter de rochers en rochers. Et surtout, il ne faut pas la suivre...

Dans les Bouches-du-Rhône, la Chèvre d'or aurait fréquenté le lieu-dit « La Bastide Forte », situé sur la commune d'Eguilles.

Arles, on croyait que la Chèvre d'or passait tous les matins sur la colline de Montmajour.

Non loin d'Arles, à Cordes, la Cabre d'or règne autour du mystérieux souterrain taillé dans le roc, en forme d'épée, ainsi que près de Vallauris, du Val d'Or, sur ce plateau semé d'étranges ruines, qu'on appelle également Cordes ou Cordoue.

À Biot, le « Jardin de la Chèvre d'or » doit son nom à une ruine romaine et à la légende selon laquelle une chèvre d'or y garderait à jamais un trésor caché en ces murs.

Dans le Var, la Chèvre d'or aurait été présente en haut du Céran, un lieu situé dans les environs de Draguignan. Elle est connue aussi à Trigance, un village du Haut-Var, limitrophe des Alpes de Provence où les Templiers qui possédaient une commanderie auraient, selon la légende, caché un trésor.

« Et toujours, la Chèvre d'or est associée au souvenir des Sarrasins... »

On retrouve la Chèvre d'or en Espagne, par exemple sur la Costa Brava, dans les fondations du château de Quermanço. Salvador Dali avait de l'admiration pour cet édifice chargé d'histoire et entouré de légendes populaires, mais il ne parvint pas à l'acheter. La légende raconte qu'une reine enchantée garde une chèvre d'or enterrée quelque part dans les souterrains du château. Selon certaines versions les juifs de Villa Judaica la vénéraient et l'avaient dissimulée en ce lieu au moment de leur expulsion de la Catalogne. Le récit le plus populaire rapporte cependant que vivait au château un roi maure qui possédait un énorme trésor acquis à l'occasion de ses victoires sur les autres seigneurs, trésor avec lequel il fit fondre une chèvre en or massif. Mais le jour arriva où, vaincu par un roi chrétien, il dut quitter le château. Aidé par ses serviteurs il tenta d'emporter la statue sur son dos et à pied, en empruntant des passages secrets qui débouchaient sur la mer à Port de la Selva. Mais la légende dit aussi que le roi et sa Chèvre d'or n'atteignirent jamais le rivage et restèrent prisonniers de ces souterrains.

La légende de la Chèvre d'or s'est aussi répandue plus au Nord. Il existe à Grandrif, au dessus d'Ambert, dans le Puy-de-Dôme, un antre obscur appelé Grotte de la Chèvre où la tradition prétend qu'est enfouie une chèvre d'or. Naguère encore, dans la région, les chèvres qui mouraient de vieillesse étaient enterrées avec quelque cérémonie.

Dans les Ardennes belges la Chèvre d'or a rencontré la fée de la Lienne. Au Moyen-Âge de modestes seigneurs vivaient dans la vallée de la Lienne. Un matin, le baron Rambert, parti à la chasse, épargna une biche qui le fixait d'un regard innocent et plutôt que d'abattre du gibier, préféra s'endormir au pied d'un arbre. À son réveil une jeune fille aux cheveux blonds, vêtue de voiles légers, le regardait, accompagnée d'une petite chèvre aux poils dorés. « Quel est ton nom, belle enfant ? ». « Appelle-moi Lienne ». Subjugué par sa beauté, le baron lui demanda de l'épouser. La jeune fille lui répondit : « Je n'aurais pas dû t'apparaître. Je te crois différent des autres hommes et n'ai pas pu résister à prendre forme humaine. Je suis la fée de cette rivière et je ne peux vivre avec toi que pendant cinq ans ». Le baron, persuadé d'avoir trouvé la femme de sa vie, accepta le marché. Les jeunes gens se marièrent, firent bâtir le château de Grimbièmont et vécurent heureux pendant cinq ans, sans aucun souci d'argent puisqu'il suffisait de tondre la chèvre, ses poils d'or permettant de payer toutes les dépenses et sa toison miraculeuse repoussant aussitôt. À l'expiration du délai prévu Lienne perdit sa forme humaine et se transforma en une brume légère, laissant toutefois à son époux la Chèvre d'or en souvenir. Désespéré le baron Rambert partit en croisade et s'y couvrit de gloire. À son retour il quitta Grimbièmont et fit construire le château de Grimbièville où, après s'être remarié avec la fille d'un seigneur voisin, il vécut dans l'aisance jusqu'à sa mort, toujours grâce à la Chèvre d'or. Le temps passa, puis sous Louis XIV la peste ravagea la contrée et le dernier descendant du baron Rambert ainsi que ses trois fils en moururent. Une nuit, un terrible orage détruisit le château et l'on vit la chèvre d'or s'élever dans le ciel puis disparaître. Les habitants de ce lieu disent que si vous vous promenez au bord de la Lienne par un beau matin d'été, dans la brume gorgée de soleil vous aurez peut être la chance d'aperçevoir la fée qui, pendant quelques années, fit le bonheur du baron Rambert.

La Cabre d'or semble représentative des dons divins qui sont parfois à notre portée, et du danger de les rechercher sans avoir été initié au préalable à leur véritable nature, au risque de se perdre à jamais. Le véritable trésor n'est pas matériel...

Merci, entre autres, à Ulysse d'avoir enrichi mes connaissances sur le sujet (La Vie en Méditerranée). »

Dominique Casier, Le Mythe de la Chèvre d'or (ou Cabre d'or), 2006

(La version originale de cet article est consultable sur le blog de Dominique Casier, artiste libre : Art de vivre)




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