En cheminant...

Pour un vrai cahier des charges bio

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J'ai pris connaissance d'un résumé de Cahier des Charges, concernant la production biologique du lait de brebis et de chèvre du 14 mars 1997, paru dans La Chèvre de janvier 1998. Or, ce document ne me paraît pas s'harmoniser avec l'esprit bio, qui se révèle être le respect de la santé de l'éleveur, de l'animal, du milieu et du consommateur.

« La surface minimale de logement n'est que de 1,2 m2 pour une chèvre » ! Cette dimension ne correspond-elle pas à celle d'une exploitation en batterie ? En effet, une chèvre de race Alpine ou Saanen (plus de 90 % du cheptel) atteint une taille de 70 à 90 centimètres pour un poids de 50 à 80 kg, la longueur de son corps variant de 1 m à 1 m 20. Si je note « Le refus de la synchronisation hormonale des chaleurs », par contre l'interdiction de l'écornage, pourtant si cruel, n'est pas mentionnée [1]. Quant à l'ensilage et le concentré (dont moins de 5 % de la ration peut ne pas être bio), eh bien ils sont autorisés pour l'alimentation de ces ruminants herbivores... limités à 30 % de la matière sèche et à 30 % de la ration journalière, alors que nous savons que, s'ils permettent une lactation productiviste, ils rendent fragiles les ruminants.

Ainsi, le système intensif fait que la chèvre est abattue, en moyenne à quatre ans, alors que sa bouche n'est faite qu'à cet âge ! Une biquette, élevée écologiquement, ne devrait rencontrer le bouc qu'à partir de deux ans, et non pas à sept mois comme la dérive intensive l'impose, aussi sa meilleure lactation se situerait entre quatre et huit ans. Traditionnellement, notre bienfaitrice n'était sacrifiée qu'après ses dernières chaleurs, entre dix et quinze ans. Du reste, je suis surpris que le Cahier des charges occulte le cycle biologique de la chèvre et de la brebis. Pour la première fois, apparaît cependant « l'accès obligatoire au pâturage », mais pour manger quoi ? Nous rappelons qu'en élevage bio, une vache, une chèvre ou une brebis devraient vivre et s'alimenter en plein-air une grande partie de l'année. Ainsi, brebis et chèvres en Touraine, ont de quoi se nourrir en parcours pastoral, sans grand besoin de fourrages, à condition que prairies, landes, sous-bois, jachères, friches leur soient ouverts par les communes, afin d'entretenir les paysages du « Jardin de la France » [2]. Il faut compter de quatre à six heures de pâturage par jour, et un gardien pour une trentaine de chèvres. Celles-ci seront traites à la main afin de perpétuer les liens affectifs entre l'homme et l'animal, qu'incarne la philosophie bio. Le bouc sera présent pour la monte, et non pas « l'insémination artificielle » qu'ose recommander le Cahier des Charges ! Le bouc peut assurer la saillie jusqu'à huit ans et plus, aussi fera-t-il plusieurs élevages au cours de sa carrière et tournera pour qu'il n'y ait pas de risque de consanguinité.

La présence de bergers et chevriers s'avère indispensable pour ces animaux domestiques qui demandent à être guidés et soignés. Sensibles et sentimentaux, ils ont besoin de l'aura humaine pour s'épanouir, propérer et donner un lait généreux et onctueux de qualité bio, authentifiant les senteurs du terroir et la saveur originale de chaque saison. La communion avec la nature ne doit-elle pas être la règle de l'élevage bio pour sa crédibilité, au moment où tant d'êtres souhaitent vivre d'un métier lié à l'environnement. L'écologiste de la modernité aspire en effet à épouser le sol et à chanter la vie qu'il s'agit de reconquérir tandis que les agissements de l'économie et de la technologie deviennent de plus en plus déments.

Jean Domec, 1998

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[1] « La biodynamie considére les cornes comme des antennes qui captent les influences astrales. Couper les cornes déconnecte les ruminants herbivores de leurs informations cosmiques" ».
[2] En 1852, la terre de Touraine nourrissait 350 000 ovins et caprins.

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édité par Christian Domec - xhtml - css - roseau - stat - rss - màj - m@nuscrit - potière

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