Aux meilleurs de relever le défi !
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Depuis le milieu du XXe siècle, nous sommes gouvernés par les meilleurs, comme le préconisait le comte de Saint Simon (1766-1825) pour l'avènement de la société idéale. La plupart de nos décideurs économiques et politiques sortent des grandes écoles, en particulier de l'Ena. Les scientifiques les plus compétents en agronomie, notamment depuis la création de l'Inra en 1946, dirigent notre agriculture. « La Révolution silencieuse agricole » s'est déroulée sous leur haute autorité. L'élevage est devenu « la production animale ». En effet, leur enseignement exige de considérer l'animal comme un matériel, un produit ! L'éleveur a donc été transformé en technicien supérieur, recevant les directives d'ingénieurs spécialisés, relevant de l'État et de multinationales.
L'autocratie technocratique a jugé qu'elle pouvait se passer du savoir et du savoir-faire de la civilisation paysanne. Ainsi, en quelques décennies, la société paysanne, avec ses fermes à dimension humaine qui occupait les 600 pays qui ont fait la France « le jardin du monde », a été décimée. La paisible vache, sensible et sentimentale, attachée à la maison, se nourrissant pour une bonne part au pâturage, s'est convertie en usine à lait de haute précision mais de grande fragilité. Entre 1970 et 1988, deux exploitations laitières sur trois ont disparu. Le troupeau laitier moyen qui comptait sept vaches en 1963, en comptabilise plus de quarante en l'an 2000 ! À ce rythme ne sera-t-il pas plus de 80 en 2010 ? En effet, nous ne possédons plus que 133 000 exploitations laitières contre 440 000 en 1983. Or, la prospective n'en annonce plus que 74 000 en 2010 ! Bel exemple de la marchandisation de l'homme, de l'animal, de la plante, réalisé par le technocosme ! [1]
Obéissant aux ordres du développement scientifique et technologique, je ne comprends pas qu'un éleveur, dont une vache du troupeau se révèle atteinte de folie, puisse être la victime d'un ordre établi, dirigé par les citoyens les plus éclairés. Aussi, je suis de tout cœur avec l'éleveur, meurtri par la règle du jeu d'un système qu'il n'a pas choisi.
Je ressens en effet ce que peut être le traumatisme d'une famille, apprenant qu'il faut sacrifier tout le troupeau parce qu'une vache est frappée par la terrible maladie.
En attendant que les décideurs scientifiques trouvent un remède ou bien remettent en question « une exploitation intensive qui fait tout pour rendre malades les animaux », en restaurant l'agriculture paysanne, je suggère qu'un troupeau, atteint de la maladie par un de ses sujets, soit sauvegardé, sous la suveillance attentive des services vétérinaires et des scientifiques spécialisés.
Aux meilleurs de relever le défi !
Jean Domec, 2000
[1] Un siècle et demi d'élevage en France, Agreste 1991.
L'éleveur laitier, octobre 1999.
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