Les Lettres de la bique

Sente de la chèvre qui bâille : le livre

Lire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle

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L'éloge de la bique III - 1999 - Radio France - Marilia Lopès (voir crédits)

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♪ air de flûte ♫

Jean-Claude Le Jaouen

Si on prend, on reprend Daudet, en fait, il semblerait à priori que c'était une brave chèvre commune comme on en trouvait dans toute cette région, à poils longs vraisemblablement, alors que maintenant on a tendance à la représenter avec des poils courts. Mais à l'époque elle devait être à poils longs. Et puis, bon, une bonne biquette telle qu'on les trouvait dans beaucoup de fermes quoi.

Marilia Lopès

Quel est l'homme le plus heureux ? « Celui qui possède à la fois bonne femme, bonne mule, bonne chèvre. » Voilà un solide bon sens que ne renierait pas Monsieur Seguin. Si la bique est bonne pour l'homme des champs elle inspire aussi généreusement l'homme de lettre et ce depuis fort longtemps.

Jean Domec

Prenez Homère, IX siècles avant notre ère après vous avez quand même les Grecs qui ont chanté la chèvre et puis alors les grands auteurs latins. Il ne faut pas oublier. Virgile a fait des vers extraordinaires, Théocrite, juste avant lui, vous avez eu en plus les agronomes latins qui s'appellent Columelle, qui s'appellent Varron qui ont écrit de très très belles choses et, entre parenthèses, toujours d'actualité, hein. Ils vous disent comment faire des fromages ou autre et on ferait bien d'ailleurs de les relire. C'est comme moi quand j'ai débuté avec mes chèvres je vous dirais, j'ai pris des leçons de Virgile dans les Géorgiques.

Marilia Lopès

Dans son histoire des animaux, le Grec et philosophe Aristote évoque notre chèvre. Plus près de nous, au siècle dernier, Andersen, le Danois, nous raconte l'aventure de Hans le balourd qui conquiert le cœur de la fille du roi à dos de bouc. Son contemporain, l'Allemand Grimm, rapporte quant à lui, l'histoire de la chèvre et de ses six petits chevreaux. En France, Victor Hugo prend soin d'accompagner la belle Esmeralda de Djali la chèvre de Notre Dame de Paris. Mais avant lui, il y avait d'autres littérateurs dans la chèvrerie.

Jean Domec

Rabelais, lui, il est équivoque, hein. Il avait surtout une admiration comme la femme mère, mais il n'aimait pas tellement la femme amante, même pas du tout, contrairement à ce qu'on peut croire. Au fond, il n'aime pas la chèvre capricieuse, d'ailleurs il dit comme la femme... comme la femme... les caprices, etc. et c'est le contraire de Ronsard. C'est pour ça que quand ils se rencontrèrent chez le duc de Guise, on dit qu'ils se piquèrent. Parce que Ronsard, lui, admirait la dame, aimait la femme dans tous ses aspects. Vous avez son fameux hymne de Bacchus :

♪ ♫

Que sçaurois-je mieux faire en ce temps de vendanges,
Après avoir chanté d'un verre les louanges,
Sinon chanter Bacchus et ses festes, à fin
De celebrer le Dieu des verres et du vin ?
Ô Dieu ! Je m'esbahis de la gorge innocente
Du bouc qui tes autels à ta feste ensanglante
Sans ce père cornu, tu n'eusses point trouvé
Le vin par qui tu as tout le Monde abreuvé
Tu avisas un jour, par l'espais d'un bocage
Un grand bouc qui broutait la lambrunche sauvage
Et tout soudain qu'il eut de la vigne brouté
Tu le vis chanceler tout ivre d'un côté
À l'heure tu pensas qu'une force divine
Estoit en cette plante et béchant sa racine
Soigneusement tu fis ses sauvages raisins.

Alors c'est tout un hymne à Bacchus, au bouc qui grâce à la taille transforme le lambrunche sauvage en vigne et c'est lui, c'est la chèvre, donc c'est le bouc, qui a découvert le vin. C'est extraordinaire !

Marilia Lopès

Elle les a rendus... chèvre. Saint-Augustin, Montaigne, Racan, Descartes, Châteaubriand, Proust, Maurois, et la liste est longue...

Jean Domec

Par exemple, La Fontaine a écrit Les deux chèvres, Le cochon la chèvre et le mouton, Le Renard et le bouc. Mais, ça c'est un peu le défaut, à partir du XVIIe siècle on veut tout ramener à l'homme. Prenez le Renard et le Bouc, vous avez le brave bouc qui se laisse tromper par le renard rusé, etc. Sous-entendu, méfiez-vous, vous êtes honnête, vous êtes gentil, vous êtes comme le bouc, méfiez-vous du renard. Mais, c'est terriblement humain, ça m'embête un peu...

Bon, Alphonse Daudet aussi. La brave Blanchette. D'abord ce qui m'embête c'est qu'elle était attachée, alors des chèvres attachées, moi je vous dirais qu'au début, moi aussi, j'avais acheté des piquets bêtement. C'est complètement idiot parce que la chèvre, voyez-vous, par exemple du mois de février au mois de juin, elle adore l'herbe, à partir de juin c'est fini ! Il faut la mettre en parcours, en sous-bois, etc. Elle a besoin d'avoir quelque chose de raffiné. Elle est gourmette et gourmande, voilà. Alors, je reviens à cette histoire de piquet, bon, c'est une erreur donc ça prouve qu'il connaissait mal les chèvres, en tout cas il ne les aimait pas beaucoup.

Marilia Lopès

Envoûtés par son béguètement, peut-être. Séduits par son irrésistible dandinement, c'est possible. Quelle chèvre a bien pu piquer nos ancêtres pour qu'ils aient jusqu'à la présenter à Monsieur le curé ?

Jean Domec

Quant on a fait les noms de famille c'était sous François Ier, je crois que c'était en 1513, décret de Villers-Cotterêts, eh bien vous avez les familles qui ont choisi leur nom, qui ont choisi de s'appeler Cabrol, Chabrol, Cabrière, La Chèvre, Monsieur Chevreau, Monsieur Le Bouc, etc. Tout ça pour honorer la chèvre. Vous voyez que la chèvre est vraiment partout.

Marilia Lopès

Partout, en effet. La plupart de nos villages se sont choisi un nom entre le entre le Xe et le XIIe siècle, jetez-donc un œil à côté de chez vous.

Jean-Noël Passal

Il y a la racine chèvre que l'on retrouve dans Chevrières, Chevreaux, Montchevrier, La Chèvrerie dans beaucoup de villages au nord de la Loire. Alors au sud de la Loire, on appelle ça le pays de la Cabro. Alors là on a tout un tas de noms différents : il y a Cabrerolles dans l'Hérault, il y a Moncrabeau, le village des menteurs dans le Lot-et-Garonne, il y a Montcabrier, Cabriès, Cabris. En passant à l'est du Rhône, vers Saint-Rémy-de-Provence, là on rejoint la légende de la Chèvre d'or qui a été célébrée par Nostradamus et Frédéric Mistral qui, à des siècles différents, ont été les chantres de la Chèvre d'or.

♪ air de flûte ♫

Marilia Lopès

L'éloge de la bique.
Le cercle des chèvrophiles inspirés, aujourd'hui il y avait :
Jean-Claude Le Jaouen, rédacteur en chef du magazine La Chèvre,
Jean Domec, lettré caprin,
et depuis Erp, dans les Pyrénées, Jean-Noël Passal, ex-chevrier et toujours mordu.

Aux nantis, la bique est rebelle. À demain.

♪ air de flûte ♫


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« L'éloge de la bique » est un chapelet de dix courtes émissions réalisées par Marilia Lopès et produites par les Ateliers de Créations du Grand Ouest de Radio France. Elle furent diffusées sur différentes antennes locales France Bleu courant 1999. Cette transcription littérale réalisée fin 2005 par Christian Domec et Jean-Noël Passal, même si elle est fidèle à ce que ces émissions faisaient entendre, souffre du manque de souffle que l'oral génère et que Marilia Lopès a su merveilleusement recueillir et mettre en valeur. Gageons que pour répondre à ce que m'écrivait Jean-Noël : « il aurait été plus savoureux pour des caprinophiles curieux d'écouter l'émission que de la lire » Radio France mettra en ligne l'original de cette fabuleuse série sur son site internet ou, à défaut, confiera à la « sente de la chèvre qui bâille » ce rôle.




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