Lire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle
L'éloge de la bique VIII - 1999 - Radio France - Marilia Lopès (voir crédits)
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♪ air de flûte ♫
Catherine François
Quand elles étaient encore dans les petites écuries, qu'on les tirait à la main, il y en avait un, eh bien, on était en train de traire, on était à quatre pattes, et il nous a tapé dans les murs plus d'une fois. Celui-là, il n'a pas fait... il n'a pas été là longtemps.
Jean Domec
Dans l'antiquité, comme il avait découvert la vigne et toutes ces choses, comme il était sensuel, qu'il était lié à toutes ces fêtes et tout, on l'admirait beaucoup mais on le sacrifiait d'où la tragédie ; tragos qui veut dire en grec le chant du bouc. Il a donné naissance à la tragédie.
Marilia Lopès
Lorsque quelqu'un pue comme un bouc on détale. Mais ce qui dérange le plus chez le bouc c'est probablement l'odeur de soufre qui lui colle au train. Notre diable judéo-chrétien n'est-il pas lui-même cornu avec des pieds de bouc. C'est peut-être pour cette raison que le bouc a peu à peu disparu de nos villages.
Jean Domec
Je crois qu'il faut recréer le bouc au moins communal. Que chacun qui a des chèvres puisse aller faire une saillie chez le curé du village parce que c'est maintenant parfois une personnalité du village qui a le bouc. Moi je trouve très malheureux qu'actuellement les enfants notamment ne peuvent plus voir un bouc. Les chèvres c'est déjà rare, parce que... on en voit même de moins en moins. Mais le bouc on peut dire qu'on ne le voit plus du tout.
Marilia Lopès
Dans l'ancienne Égypte ont vénérait le dieu bouc, symbole de fécondité. Chez les romains, le naturaliste Pline l'Ancien écrit : « les boucs sont les animaux les plus luxurieux et les plus incapables de retenue, ils sont pour cela le symbole de luxure. » Au Proche Orient, chez les juifs, le bouc était l'animal porteur de tous les malheurs d'où son surnom de bouc-émissaire. Les chrétiens ne tarderont pas à prendre la suite.
Jean-Noël Passal
L'Église à partir du moment où elle est intervenue vers le XVIe, XVIIe siècle, après la chasse aux sorcières, a limité, a voulu donner un cadre social, un cadre strict. Et donc a fait la chasse aux plaisirs et donc il a fallu un repoussoir vis-à-vis de la vertu, vis-à-vis des anges et c'est donc ce personnage diabolique qu'on a inventé, on l'a inventé d'après l'image du dieu grec Dyonisos ou de Bacchus.
Marilia Lopès
Au siècle dernier, l'odeur du bouc était sensée chasser les miasmes et les mauvais esprits.
Claire Delfosse
Dans bien des régions il n'y a pas de troupeau de bovins sans qu'il y ait un bouc. Alors, c'est à la fois positif et négatif parce qu'il y a un bouc dans la mesure où le bouc ferait fuir les mauvaises maladies ou les concentrerait sur lui et donc protègerait, de ce fait, les bovins.
Marilia Lopès
Le goût et les odeurs : c'est pas si simple.
Jean Domec
Moi je vois mes chèvres évidemment quand elles revenaient de chez bouc, elles chantaient le bouc pendant plusieurs jours. Mais, moi j'ai regretté moi-même de ne pas avoir un bouc parce que je trouve que c'est une odeur contrairement à ce qu'on dit... je pense aussi qu'on est aussi habitué un peu... pfff... on n'est plus habitué à des véritables goûts et à des véritables odeurs, c'est peut-être ça ?
Marilia Lopès
Positif ? Négatif ? Le bouc est un animal ambigu.
Jean-Noël Passal
Ceci dit, je vous signale qu'il y a un bouc qui faisait du lait. Dans l'Isère, il s'appelait Tanguy. Il était à la fois mâle et femelle, ce n'était pas un boubic, hein. Il couvrait les chèvres mais en même temps il faisait du lait. il s'appelait Tanguy. Il est mort, ils l'ont empaillé c'est devenu la mascotte d'un club de foot.
♪ La Salsa du démon du grand orchestre du Splendid ♫
- Aaaah
Oui, je suis Belzébuth
- Horreur
Je suis un bouc, je suis en rut
- Horreur, malheur
Oui, oui, oui, je vis dans l'ordure
- Horreur
Je pue la sueur et la luxure
Je fume je bois, j'ai tous les vices
Et j'ai du poil partout sur les cuisses
Je vous déteste, je vous maudis
J'suis complèt'ment pourri
♪ ♫
Jean Domec
Le dandinement de la chèvre, ça c'est une des choses qui m'a le plus frappé parce que... moi j'ai des chèvres, ben, chaque fois que je leur emmène quelque chose de gentil ou qu'elles sont heureuses, elles sont en train de dandiner donc de danser. Parce que la chèvre elle ne fait rien sans danser. Quand elle sort de la bergerie le matin, elles font un pas de deux parce que les chèvres c'est toujours l'élégance, c'est toujours la danse, c'est toujours... d'ailleurs la danse du bouc aussi. Se sont des danseurs nés. Ce sont des gens qui sont toujours en représentation.
Jean-Jacques Martin
Regardez le plaisir de tous ces boucs avec ce beau troupeau quand même. Il y en a qui ont de la chance !
Marilia Lopès
Il y en a qui en ont pas.
Jean Domec
C'est quand même incroyable que l'homme prive la chèvre et le bouc de la meilleure chose de la vie. Hein. Moi j'aimerai bien qu'on le fasse aux hommes ! C'est vrai, c'est lamentable. Moi je suis contre l'insémination artificielle ! Le pauvre bouc qui donne, comme on dit maintenant, ses semences... c'est triste, c'est une espèce de masturbation... intellectuelle qui vient des scientistes. C'est vrai, moi je dis, c'est contre la vie. La vie c'est la fusion entre le mâle et la femelle, c'est l'homme et la femme. C'est merveilleux.
Catherine François
Ben nous on fait les saillies naturelles donc on met les boucs et puis ça se débrouille tout seul. Alors, bien, on voit quand le bouc commence à les monter, on dit c'est à partir de cette date là et puis...
Marilia Lopès
Et pourquoi les saillies naturelles ?
Catherine François
Bah, mon mari n'est pas pour, il n'est pas pour l'insémination artificielle alors... Et puis ça marche aussi bien avec les boucs.
Marilia Lopès
À la Saint Martin, à la Toussaint, c'est la saison des amours chez nos biques et boucs. Mais avec l'insémination, il n'y a plus de saison.
Philippe Chemineau
Il n'y a quand même que 70 000 inséminations artificielles sur un effectif de 800 à 900 mille chèvres. Donc la place du bouc est encore très importante. Donc on travaille sur ce qu'on appelle l'effet bouc. C'est-à-dire sur l'aptitude qu'ont les boucs à synchroniser les ovulations chez les chèvres. C'est des méthodes plus naturelles. Mais le bouc a toujours une place très importante, évidemment.
♪ air de flûte ♫
Marilia Lopès
L'éloge de la bique.
Pour le boucan il y avait :
Catherine François éleveuse au Grand Pressigny,
Jean Domec, sauveur de cabrioles,
Jean-Noël Passal, érudit collectionneur, éditeur de cartes postales d'attelages caprins à Erp, dans l'Ariège,
Claire Delfosse maître de conférence à l'université de Lille,
Jean-Jacques Martin, plasticien gourmet
et Philippe Chemineau, ingénieur, directeur de l'unité de recherche physiologie de la reproduction des mammifères domestiques à l'Inra de Nouzilly.
Biquette actuelle, en kiosque demain...
♪ air de flûte ♫
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« L'éloge de la bique » est un chapelet de dix courtes émissions réalisées par Marilia Lopès et produites par les Ateliers de Créations du Grand Ouest de Radio France. Elle furent diffusées sur différentes antennes locales France Bleu courant 1999. Cette transcription littérale réalisée fin 2005 par Christian Domec et Jean-Noël Passal, même si elle est fidèle à ce que ces émissions faisaient entendre, souffre du manque de souffle que l'oral génère et que Marilia Lopès a su merveilleusement recueillir et mettre en valeur. Gageons que pour répondre à ce que m'écrivait Jean-Noël : « il aurait été plus savoureux pour des caprinophiles curieux d'écouter l'émission que de la lire » Radio France mettra en ligne l'original de cette fabuleuse série sur son site internet ou, à défaut, confiera à la « sente de la chèvre qui bâille » ce rôle.
édité par Christian Domec - xhtml - css - roseau - stat - rss - màj - m@nuscrit - potière