La Chèvre ce petit herbivore ruminant de compagnie

Sente de la chèvre qui bâille : le livre

Lire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle

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Le 5 septembre 2004 arrivent à « Roidemont », commune de Saint Avertin en Touraine, libérées de leurs ateliers spécialisés en élevage intensif, avec aire d'exercice possible l'après-midi comme le veut la « modernité » :

Lala, chèvre alpine de petit calibre, à l'allure distinguée, aux cornes brûlées, au regard souffrant. En effet, notre biquette, née en avril 2003, a donné naissance à un chevreau au printemps 2004. Lala, née fugueuse, ne s'habitue pas à la vie de troupeau et s'échappe sans cesse. Aussi, l'a-t'on enfermée avec son biquet ; celui-ci lui a endolori les mamelles d'autant qu'elles ne sont pas de même conformation.

J'ai mis un mois, la tirant quotidiennement à la main, à guérir les petites crevasses de son pis, grâce au miraculeux onguent, appelé Végébom !

Mimi, la belle chèvre poitevine, née elle aussi en avril 2003, célibataire.

Blanchette, chèvre saanen, née en mai 2004, ornée de cornes pointues.

Chèvres : Mimi et Lala - les délices du bois - Marie-Noëlle, 2004

Dès leur arrivée à Roidemont, les reines des champs ont profité d'un mois de septembre particulièrement beau et de deux hectares et demi de bois, de friches, de pâtures. Elles ont mangé, mangé, de leur réveil à l'aube jusqu'à la tombée de la nuit et profité, profité de la liberté retrouvée dont d'ailleurs était privée leur lignée. Entouré de chèvres depuis 20 ans, je n'ai jamais vu une telle fringale et une telle joie, sans doute de retrouver leur milieu naturel.

Les trois n'ont fait confiance que progressivement à leur nouveau maître.

Lala, cependant, grâce à la traite quotidienne à la main et aux soins matinaux, fut la première domestiquée. Mimi et Blanchette se montraient rebelles. Caressant Mimi, celle-ci se montre étonnée, visiblement surprise, puis satisfaite de marques d'affection venant d'un homme. Au bout de quelques jours, toutes les trois découvrent la joie de monter et de courir sur les murs qui bordent la terrasse. Ainsi, retrouvent-elles les habitudes de leurs ancêtres dans les montagnes en élevage pastoral. Aussi, O merveille, se mettent-elles à danser et à se dandiner.

En liberté totale sur notre territoire d'un hectare, par contre matin et après-midi, je les accompagne pour la promenade dans les bois de nos voisins où elles se régalent de lierre, de ronces, de feuilles tombées en novembre et en décembre. Les bois permettent de nourrir les petits ruminants toute l'année ; ce que confirment les droits d'usages établis par nos anciens pour les caprins de « bois, herbage, feillage, ramage. » Le 5 décembre, Blanchette nous quitte pour rejoindre un petit élevage « bio. »

Ce qui me frappe, mais ne m'étonne pas, c'est que peu à peu Lala et Mimi, qui, la journée, n'exigeaient pas ma présence ou celle de ma femme, qui leur fredonne des chansons anciennes, sinon pour les promenades extérieures, ne peuvent plus se passer de notre présence pour s'alimenter. Ce qui prouve que la chèvre est un animal de compagnie qui réclame la présence d'un gardien pour s'épanouir pleinement. C'est ce qu'ont compris nos aînés puisqu'en 1945 encore la France comptait 1 600 000 chèvres, réparties dans des élevages familiaux de très petits effectifs. L'exploitation industrielle, imposée par nos décideurs à dater de 1958, fait qu'en 2005, il ne reste plus que 800 000 chèvres, réparties dans environ 10 000 exploitations !

Chèvres : Mimi et Blanchette - le saut - Marie-Noëlle, 2004

Faut-il chercher plus loin l'origine des « maladies de civilisation » de plus en plus implacables qui frappent nos biquettes ? Puissent les zootechnocrates qui dirigent « l'institut de l'élevage » le comprendre. La chèvre, ce petit herbivore ruminant de compagnie, a permis aux pauvres de se sustenter et mieux encore d'avoir auprès d'eux toute leur existence une amie fidéle qui réchauffe les cœurs les plus endoloris. En effet, comme l'écrit le grand poète Umberto Saba (1883-1957) :

« J'ai parlé à une chèvre
Elle était seule dans le pré, elle était attachée.
Repue d'herbe mouillée
Par la pluie, elle bêlait.

Ce bêlement égal fraternisait
Avec ma douleur.
Et je réponds d'abord
Pour plaisanter, ensuite parce que la douleur est éternelle.
Qu'elle n'a qu'une voix et ne change jamais.
Cette voix je l'entendais
Gémir en une chèvre solitaire.

En une chèvre au visage sémite.
Se plaignait tout autre mal
Toute autre vie. »

Jean Domec, 2005


Nota : Poème original d'Umberto Saba

La capra

Ho parlato a una capra.
Era sola sul prato, era legata.
Sazia d'erba, bagnata
dalla pioggia, belava.

Quell'uguale belato era fraterno
al mio dolore. Ed io risposi, prima
per celia, poi perché il dolore è eterno,
ha una voce e non varia.
Questa voce sentiva
gemere in una capra solitaria.

In una capra dal viso semita
sentiva querelarsi ogni altro male,
ogni altra vita.



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édité par Christian Domec - xhtml - css - roseau - stat - rss - màj - m@nuscrit - potière

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