Soleil et chair

Sente de la ch�vre qui b�ille : le livre

Lire La Ch�vre jaune & Balade caprine � travers la litt�rature tourangelle

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� Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour br�lant � la terre ravie,
Et, quand on est couch� sur la vall�e, on sent
Que la terre est nubile et d�borde de sang ;
Que son immense sein, soulev� par une �me,
Est d'amour comme Dieu, de chair comme la femme,
Et qu'il renferme, gros de s�ve et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !
Et tout cro�t, et tout monte !
Ô V�nus, � D�esse !
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'�corce des rameaux
Et dans les n�nufars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps o� la s�ve du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
O� le sol palpitait, vert, sous ses pieds de ch�vre ;
O�, baisant mollement le clair syrinx sa l�vre
Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour ;
O�, debout sur la plaine, il entendait autour
R�pondre � son appel la Nature vivante ;
O� les arbres muets, ber�ant l'oiseau qui chante,
La terre ber�ant l'homme, et tout l'Oc�an bleu
Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu !
Je regrette les temps de la grande Cyb�le
Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d'airain, les splendides Cit�s ;
Son double sein versait dans les immensit�s
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L'Homme su�ait, heureux, sa mamelle b�nie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
Parce qu'il �tait fort, l'Homme �tait chaste et doux.
Mis�re ! Maintenant il dit : je sais les choses,
Et va, les yeux ferm�s et les oreilles closes.
Et pourtant, plus de dieux ! plus de dieux ! I'Homme est Roi,
L'Homme est Dieu ! Mais l'Amour, voil� la grande Foi
Oh ! si l'homme puisait encore � ta mamelle,
Grande m�re des dieux et des hommes, Cyb�le ;
S'il n'avait pas laiss� l'immortelle Astart�
Qui jadis, �mergeant dans l'immense clart�
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose o� vint neiger l'�cume,
Et fit chanter, D�esse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les cœurs ! »

Arthur Rimbaud, Soleil et chair (extrait), 1870




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