Des marchands d'illusions
pleine chèvre ou traceLire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle
En 1962, la France avait une grande renommée gastronomique mais une réputation agricole contestée pour manque de modernité. Aussi, afin d'encourager l'exportation de nos produits agricoles, nos décideurs politiques prônent l'industrialisation de l'agriculture. Monsieur Edgar Pisani, Ministre de l'agriculture, affirme : « si l'acheteur veut du lait rouge, il faut le lui donner rouge ! » « L'acheteur a raison » surenchérit Monsieur Jacques Duhamel qui fut Ministre de l'agriculture de 1969 à 1971, « s'il préfère le beurre blanc, le petit pois gros, le camembert dur et la viande... Contrôlée ! Il faut satisfaire ses exigences quitte ensuite à modifier ses mœurs. » [1]
En 2002, les acheteurs devenus bios font un cheminement gustatif inverse. Ils recherchent des œufs, des viandes, du lait, provenant de petites fermes familiales avec des animaux élevés en plein air.
Les fromages sont réclamés, confectionnés grâce à un lait de vache, de brebis, de chèvre provenant d'herbivores ruminants se nourrissant dans de verts pâturages ou, mieux encore, en estives dans les montagnes.
En effet, les acheteurs ne se sont pas rendus compte que, depuis quarante ans, le paysage rural se notre pays s'est métamorphosé.
Les Fermes ont disparu ou bien se sont intégrées à des filières spécialisées, de petites, moyennes et grandes industries, condamnées à la performance financière pour ne pas mourir.
La publicité mène le bal.
Ainsi, le célèbre fromage de Roquefort, dont l'exploitation des brebis laitières a été industrialisée, apparaît aux yeux de ses clients comme une merveille, provenant de petites fermes et fromageries de terroir.
Alors que la quasi totalité des 810 000 brebis laitières du rayon de Roquefort subit la dure loi du système productiviste de son exploitation, le consommateur s'imagine voir une multitude de bergers, accompagnant leurs ouailles sur les plateaux des Causses, à la recherche d'herbes fines, savoureuses, nourrissantes.
C'est ainsi que vont les goûts et les couleurs au gré des marchands d'illusions.
Jean Domec, 2002
[1] La Nef n° spécial Agriculture 1962.
À consulter également :
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