L'Homme et la chèvre, une histoire d'amour

pleine chèvre ou trace
Sente de la chèvre qui bâille : le livre

Lire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle

Lire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle

L'éloge de la bique I - 1999 - Radio France - Marilia Lopès (voir crédits)

(Aller à L'éloge de la bique I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X)

♪ air de flûte ♫

Catherine François

Vous voyez, là, il y a une chèvre, la blanche qui nous regarde : c'est le lama, parce qu'elle a vraiment une tête de lama.

Marilia Lopès

« Il est fourbe comme corne de chèvre ». On dit ça en Alsace. Mais en Alsace comme ailleurs, la chèvre accompagne l'homme depuis la nuit des temps. On la retrouve depuis la mythologie jusque dans le vocabulaire. Ne dit-on pas capricieux comme une chèvre ?

Jean Domec

Capricieux : ça vient de la chèvre, bien justement, c'est ça la merveille. Parce que c'est toujours inattendu. Quand elle fait quelque chose, elle est toujours en fièvre, elle a trente-neuf à quarante de fièvre. Donc il faut évidemment supporter ça. Mais, c'est la vie, c'est la vie ! Évidemment c'est pas rester dans des pantoufles en train de regarder une émission à la télé et être spectateur. Eux, elles sont actrices, elles vous rendent acteur de la vie, ce qui est différent. Moi, actuellement, j'ai Roussette et Pâquerette. Roussette, elle est jalouse, elle n'aime que moi, elle est exclusive, elle me fait des caprices les plus terribles. Parce que l'autre jour elle s'est même cachée, au moment de la nuit, au moment où je devais la rentrer, j'ai mis beaucoup de temps, j'ai même appelé des voisins pour la chercher. On a mis encore une bonne demi-heure, elle s'était cachée sous un if, très très bien, parce qu'elle était jalouse, je ne m'occupais pas assez... Je m'occupais trop de Pâquerette.

Mais c'est merveilleux d'amour. C'est un amour exclusif. Et moi je vois, quand elle était plus jeune, maintenant moins, elle ne supportait pas que les gens me parlent trop. Eh bien, elle n'hésitait pas à leur flanquer évidemment un petit coup de tête qui parfois laissait des bleus ou des cicatrices... Enfin des cicatrices, non, des bons bleus. Alors il fallait utiliser des bouteilles de Synthol. Elle m'en a fait utiliser pas mal. Parce que, effectivement, elle n'aime que moi. Par contre, Pâquerette, comme j'ai l'habitude de les nourrir, parce que moi je les nourris uniquement dehors. Elles sont dehors dès le matin et Pâquerette a tellement pris l'habitude de me promener avec elle qu'elle se met sur le mur en m'attendant entre deux. Parce qu'elle ne peut pas manger sans que je sois présent.

Marilia Lopès

Jean Domec est un fervent défenseur des chèvres mais... il n'est pas le seul à les aimer.

Jean-Claude Le Jaouen

Alors, c'est sûr que la chèvre c'est l'animal qui est attachant, il suffit... quelqu'un qui ne connaît pas la chèvre et qui un jour est appelé à rentrer, comme ça, dans une chèvrerie avec des chèvres. Bien, il va voir des animaux d'abord curieux qui vont le regarder... généralement pas peureux, comme par exemple un troupeau de brebis qui va se réfugier au fond de la bergerie. Non, la chèvre c'est l'animal curieux, elle va venir, elle va voir, elle va venir sentir. Et puis, elle va toujours avoir un comportement intéressé. Animal vif, animal intelligent, donc de ce côté là, un animal plutôt sympathique.

♪ chanson traditionnelle ♫

Il était une chèvre de fort tempérament
Qui revenait d'Espagne et parlait l'allemand, en...
Ballotant d'la queue et grignotant des dents, en
Ballotant d'la queue et grignotant des dents
Elle revenait d'Espagne et parlait l'allemand
Elle entra par hasard dans le champ d'un Normand, en...
Ballotant d'la queue et grignotant des dents, en
Ballotant d'la queue et grignotant des dents
Elle entra par hasard dans le champ d'un Normand
Et y vola un chou qui valait bien trois francs, en...
Ballotant d'la queue et grignotant des dents, en
Ballotant d'la queue et grignotant des dents

♪ ♫

Marilia Lopès

C'est qu'elles ont plus d'un tour dans leur barbiche ces satanées biquettes.

Catherine François

C'est une chèvre noire, je me rappelle, style poitevine, tu te rappelles ?... On l'appelait Bibi. Elle baissait les oreilles comme ça, elle baissait la tête et elle dit « je pars », et si c'était « je pars », c'est « je passe ». Il n'y a aucune clôture qui l'arrêtait, elle baissait la tête, elle fonçait, tant pis si c'était une clôture électrique, « je marche », alors après les autres bah, elles suivent.

Jean-Jacques Martin

Moi j'ai connu l'époque, où avec ma grand-mère, dans la pièce de Fou (?) chez la compagne de Monsieur. Eh bien, on allait garder en même temps que le troupeau de vaches. Il y avait toujours une poignée de chèvres, il y avait toujours une dizaine, une douzaine de chèvres qui nous enquiquinaient parce ce que elles étaient épouvantables, elles sont intrépides, elles sont intelligentes, mais elles sont... C'est comme les enfants pas sages qui sont intelligents et bien là c'est pareil. Dans le troupeau elles semaient un peu la panique. Mais heureusement nous avions des chiens assez drôles et je me souviens encore, je parle chèvre encore... et la façon de parler chèvre c'était souvent... Ici on les appelait, on disait « Aga ». On disait : « Aga Aga bibi à la chieuvre aga l'amène là ! » Et le chien allait chercher la chèvre qui se déplaçait. Il y avait un véritable langage dans la pièce de Fou (?) à La Meuane (?) et les chiens nous écoutaient. Nous avions entre la chèvre et nous, ça a bientôt disparu, mais une langue vernaculaire, peu usitée aujourd'hui mais intéressante. Voilà.

♪ musique ♫

Marilia Lopès

Un trésor de bienfaits cette chèvre. De ses crottes on faisait des remèdes, de sa peau on fait toujours des outres pour le vin, de sa viande des gueuletons, de son lait des fromages et de sa malice des tartines.

Jean Domec

C'est grâce à la chèvre que nous avons le café. Parce qu'au quinzième siècle, vous aviez un petit arabe qui gardait des moutons, euh pardon, des chèvres pour un monastère et ce Kadi, il s'appelait Kadi, eh bien, il a vu ses chèvres qui étaient en train de manger. C'était un café, des caféiers qui avaient brûlé et ça avait donné des grains de café. Puis les chèvres mangeaient ça. Puis tout d'un coup il les a vues tout excitées, très follettes et tout. Il s'est dit : « Qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qui se passe, je vais ramasser tout ça et je vais l'emmener au père du monastère, au père supérieur. »

Et puis le père supérieur... Ils ont fait griller ça, ils l'ont mis dans l'eau : « Ah, ils ont dit, mais c'est drôlement bon ce café. » Et alors, le supérieur du monastère a dit : « Après tout, aux prières du matin, aux matines, à quatre ou cinq heures du matin, tous ces moines, ils m'agacent parce qu'ils sont toujours en train de dormir au lieu de prier. Je vais leur faire boire ça. » Et puis le lendemain il leur a fait boire du café. Pouh, il a vu des moines gais, joyeux et puis qui se sont mis à prier intensément. Et voilà. Et puis au XVIIe siècle Madame de Sévigné l'a vanté et puis tout le monde s'est mis à le trouver délicieux. Il y avait aujourd'hui... même Balzac qui a tant écrit, qui est Tourangeau, il devait drôlement remercier, lui qui aimait le café, la chèvre !

♪ air de flûte ♫

Marilia Lopès

L'éloge de la bique.
Les chèvrophiles patentés, il y avait aujourd'hui :
Catherine François, chevrière au Grand Pressigny,
Jean Domec, passionné de biquettes,
Jean-Claude Le Jaouen, rédacteur en chef du magazine La Chèvre
et le plasticien gastronome Jean-Jacques Martin.

Mythologies, religions et biquettes quelle histoire. À demain, chèvrement votre.

Marilia Lopès.

♪ air de flûte ♫


(Aller à L'éloge de la bique I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X)

« L'éloge de la bique » est un chapelet de dix courtes émissions réalisées par Marilia Lopès et produites par les Ateliers de Créations du Grand Ouest de Radio France. Elle furent diffusées sur différentes antennes locales France Bleu courant 1999. Cette transcription littérale réalisée fin 2005 par Christian Domec et Jean-Noël Passal, même si elle est fidèle à ce que ces émissions faisaient entendre, souffre du manque de souffle que l'oral génère et que Marilia Lopès a su merveilleusement recueillir et mettre en valeur. Gageons que pour répondre à ce que m'écrivait Jean-Noël : « il aurait été plus savoureux pour des caprinophiles curieux d'écouter l'émission que de la lire » Radio France mettra en ligne l'original de cette fabuleuse série sur son site internet ou, à défaut, confiera à la « sente de la chèvre qui bâille » ce rôle.




À consulter également :




Loading

édité par Christian Domec - xhtml - css - roseau - stat - rss - màj - m@nuscrit - potière

les penchants du roseau - journal des penchants du roseau