Le Départ de la dame

pleine chèvre ou trace
Sente de la chèvre qui bâille : le livre

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Dans nos campagnes, la dame régentait la basse-cour et s'occupait tout particulièrement des soins à donner aux vaches et aux chèvres laitières.

Agnès et les poules - Antoine Meunier, 2002

Je me souviens, au milieu de notre siècle encore, au château comme à la chaumière, combien la maîtresse de maison était fière de présenter à ses hôtes, ses volailles courant à travers champs, de parler avec beaucoup de tendresse de Marguerite et Pâquerette, ses vaches favorites qui, ayant tondu le meilleurs pré, montrent leur têtes à la barrière et meuglent pour demander à changer de clos.

L'industrialisation du vivant a fait que rapidement, dans les années 1960, la machine et l'alimentation du bétail fabriquée n'ont plus rendu indispensable dans la ferme, pour l'élevage, la présence de la gente féminine, rendant caduc le dicton qui affirmait « Les femmes font ou défont les maisons. »

Le paysan, en effet, et éventuellement sa compagne, se transforment alors en exploitants spécialisés d'une filière, devant être de plus en plus productive et technicisée, et dont les maîtres, à l'amont et à l'aval sont des trusts agroalimentaires. C'est ainsi que volailles et lapins sont groupés dans des ateliers intensifs toujours plus importants, exigeant de moins en moins de main d'œuvre.

Vaches et chèvres laitières suivent le mouvement de dédomestication des animaux de rente. La dame qui connaissait bien les facteurs favorisant la santé de l'animal ; elle qui savait l'importance du climat et du sol, de l'alimentation et de la gymnastique fonctionnelle du ruminant pour avoir un bon laitage, donc un beurre et un fromage succulents, ne disait-elle pas que la traite à la mamelle doit être comparable au comportement naturel du jeune veau ou chevreau pour que la laitière vive épanouie et se porte bien, eh bien, la dame a disparu.

Vaches et chèvres laitières, confinées, exploitées, mécanisées, atteintes de mammites [1], de boiteries et autres maladies de civilisation, survivent stressées dans les forceries. C'est pourquoi nos bienfaitrices, qui nous donnent, notamment, viandes, lait et beaucoup d'affection, appellent du plus profond de leur cœur les dames perdues sans lesquelles elles ne vivront plus longtemps.

Jean Domec, 1997


[1] « Les mammites dont l'importance économique est fabuleuse et qu'il faut à tout prix détecter précocement et maîtriser. » Jacques Risse, Histoire de l'élevage français, L'Harmattan, 1994.




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