La Vache du pauvre

pleine chèvre ou trace
Sente de la chèvre qui bâille : le livre

Lire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle

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L'éloge de la bique IV - 1999 - Radio France - Marilia Lopès (voir crédits)

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♪ air de flûte ♫

Jean Domec

La chèvre et les chevriers sont les ennemis des clôtures. Moi je vous dirais que même personnellement, je les prenais dans ma 2CV et j'allais un peu les faire paître un peu partout. Un jour quand même je me suis fait engueuler mais en général on ne me disait pas grand chose, mais en fait, heureusement, je n'étais pas vu.

Marilia Lopès

« Dès que les chèvres ont brouté, certain esprit de liberté leur fait chercher fortune. »

Jean de La Fontaine.

Notre biquette est aventureuse mais elle est aussi bien utile quand on n'a pas le sou. D'ailleurs ne la surnomme-t-on pas « la vache du pauvre ».

Jean Domec

Elle donnait non seulement du lait mais de la viande, de la peau, etc. Et, donc chacun, tout le monde, même le plus pauvre, pouvait avoir une ou deux chèvres. Alors, comme en plus, vous aviez les fameux communaux, les vaines pâtures, tous les droits d'usage qui vous permettaient de nourrir l'animal toute l'année. Il y avait évidemment des règles par commune. Vous aviez les parcours ; les parcours... les vaines pâtures c'était en général dans la même commune, les parcours ça permettait d'aller dans plusieurs communes différentes pour nourrir les chèvres, pour nourrir les moutons, etc. Ça, ça a commencé à gêner parce qu'on a assisté au début de la propriété individuelle. On s'est mis à faire des clôtures et comme la chèvre avait la réputation d'être destructrice on a créé une légende noire contre la chèvre.

Il y avait une telle publicité contre la chèvre au XVIIe et au XVIIIe siècle des milieux seigneuriaux qui allaient jusqu'à dire que la bouche de la chèvre était tellement venimeuse qu'elle détruisait les plantes à distance ! Les pauvres chèvres du Dauphiné et bien si elle était prise la première fois avec son chevrier on les condamnait à des amendes, la troisième fois on envoyait le chevrier aux galères ! C'est quand même fou !

Marilia Lopès

Ainsi au XVIIe et au XVIIIe siècle, la chèvre est très mal vue des nantis : seigneurs, puis bourgeois après la Révolution. Au début du XIXe siècle, point de répit pour notre bonne bête, les préfets d'Empire vont même jusqu'à la classer parmi les animaux nuisibles.

Claire Delfosse

On l'associait à l'animal du pauvre, de la femme veuve et donc à l'animal qui fait fi des limites des propriétés et qui est donc lié aux droits d'usage, aux droits collectifs. Droits d'usage et droits collectifs que tout au long XIXe siècle, on veut faire disparaître.

♪ Je suis le pâtre des montagnes de Andreany ♫

Je suis le pâtre des montagnes
J'aime l'air la liberté
Le brillant soleil des campagnes
Et le firmament étoilé

♪ ♫

Marilia Lopès

Et nous voici au début du XXe siècle. Une époque où les chèvres avaient encore le droit de monter aux Alpages pendant l'été.

Claire Delfosse

Ces troupeaux d'Alpages, troupeaux de chèvres dans les Alpes, ont considérablement diminué déjà au début du XXe siècle et dans l'entre deux guerres face au développement des fruitières, donc des systèmes de coopératives en lait de vache. La chèvre est souvent qualifiée d'animal dévastateur des forêts, et la grande préoccupation du XIXe siècle c'est de promouvoir la reforestation, avec la création des services des Eaux et Forêts, des agents des Eaux et Forêts qui, dans les régions comme les Alpes ou les Pyrénées, ont été des farouches ennemis de la chèvre et des ovins.

Marilia Lopès

Ce qui ne s'est pas passé sans une farouche résistance de la population. Mais au début du siècle, il n'y a pas que dans les montagnes qu'on voyait des chèvres.

Claire Delfosse

Il y avait des grandes migrations, par exemple, de bergers des Pyrénées qui venaient, avec leurs troupeaux, jusqu'à Paris puisqu'il fallait apporter du lait aux populations des villes. Sinon il y avait des habitants qui avaient un petit jardin qui pouvaient avoir une chèvre pour fournir le lait domestique. Et puis il y a toute une autre utilisation de la chèvre en ville qui s'est développée à partir du début du XXe siècle et surtout dans l'entre deux guerres qui était celle d'avoir une chèvre pour nourrir les nourrissons, les bébés. On pensait que finalement même les nourrices, qu'auparavant on faisait venir, on ne savait pas très bien d'où elles venaient et que peut-être elles n'avaient pas du lait sain quant au lait de vache on commençait à le pasteuriser, à le stériliser, mais c'est la grande époque de la tuberculose et on avait peur de contaminer le nourrisson avec le lait de vache. Alors il y a toute une série de militants de la chèvre et l'avantage c'est que le bébé pouvait allaiter directement le pis de la chèvre donc : pas de lait de vache, on savait d'où ça venait et en plus pas de médiateur c'est-à-dire pas de biberon qu'on ne savait pas toujours très bien stériliser ou pas stériliser.

♪ chanson de (?) ♫

Quand le soleil sur la montagne
Annonce le printemps joyeux
Je quitte à regret ma compagne ?
Pour m'exiler sous d'autres cieux
Suivie de mes petites chèvres
Je vais dans les rues de Paris
Tristesse au cœur
La chanson aux lèvres
Pour me rappeler le pays
Tralala...

♪ ♫

Marilia Lopès

Amie de l'hygiène, ennemie de la propriété, Biquette était aussi l'alliée précieuse du sexe dit... faible.

Jean Domec

Il y a une chose aussi très importante, au fond, jusque dans les années 1950, depuis des millénaires, il ne faut pas oublier : c'est la femme, c'est la dame qui régentait les basses-cours.

Claire Delfosse

C'est l'animal que les femmes aiment bien parce que déjà elles aiment, elles l'utilisent donc pour la gestion domestique, c'est-à-dire alimenter la famille voire aussi la domesticité. Mais aussi pour la vente, elles parlent vraiment d'argent de poche. Et puis, beaucoup de femmes que j'ai pu enquêter expliquent que finalement leur troupeau de chèvres a évolué avec leur famille. Alors elles en avaient plus ou moins, suivant qu'elles avaient plus ou moins d'enfants donc c'est vraiment associé à la vie de la femme. Et puis, à sa vie de femme et puis à sa vie aussi de fermière, d'agricultrice.

♪ air de flûte ♫

Marilia Lopès

L'éloge de la bique.
Nos chèvrophiles aujourd'hui :
Jean Domec, piqué des biques
et Claire Delfosse maître de conférence au laboratoire de géographie humaine de l'université des sciences et technologies de Lille.

Avez-vous déjà bu du lait de chèvre ? . Demain on trinque.

♪ air de flûte ♫


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« L'éloge de la bique » est un chapelet de dix courtes émissions réalisées par Marilia Lopès et produites par les Ateliers de Créations du Grand Ouest de Radio France. Elle furent diffusées sur différentes antennes locales France Bleu courant 1999. Cette transcription littérale réalisée fin 2005 par Christian Domec et Jean-Noël Passal, même si elle est fidèle à ce que ces émissions faisaient entendre, souffre du manque de souffle que l'oral génère et que Marilia Lopès a su merveilleusement recueillir et mettre en valeur. Gageons que pour répondre à ce que m'écrivait Jean-Noël : « il aurait été plus savoureux pour des caprinophiles curieux d'écouter l'émission que de la lire » Radio France mettra en ligne l'original de cette fabuleuse série sur son site internet ou, à défaut, confiera à la « sente de la chèvre qui bâille » ce rôle.




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